4. Quels commentaires ce débat peut-il suggérer ?
4.1 Commentaire de la lettre du Dr GOLOMB
Une interprétation possible des remarques du Dr GOLOMB est donnée par la
représentation graphique suivante :
* " P= " représente l'évolution naturelle de la maladie (ou celle permise
par un placebo supposé parfait), * " P+ " représente l'évolution biaisée
de la maladie influencée par un placebo ayant un effet bénéfique sur l'état de santé, *
" P- " évolution avec un placebo délétère.
Si TTT représente l'évolution de la survie sous l'influence du médicament à
évaluer, l'interprétation de l'essai selon le placebo de référence employé sera : .
effet bénéfique du traitement TTT avec le placebo " P- " ; .
effet négatif avec le placebo " P+ " . pas d'effet avec le placebo " P=
"
Autre cas de figure théorique :
Ici, il pourrait être conclu à tort que le traitement TTT' (comparé à P+) n'a pas
d'effet sur la survie, ...
... et là, que le traitement TTT'' est bénéfique (si la référence est P-) alors
qu'il dégrade la survie. Et donc que TTT'' est supérieur à TTT'.
La comparaison directe aurait montré à l'évidence qu'une relation exactement inverse
correspond à la réalité.
4.2 Commentaire de la réponse du Dr SCHOEMAKER
Il faut remarquer que les arguments majeurs du Dr SCHOEMAKER pour réfuter la mise en
place d'un contrôle sont d'ordre économique et presque uniquement du point de vue du
producteur du médicament ; aucun argument ne venant contredire l'aspect scientifique de
l'argumentaire du Dr GOLOMB.
La mise sur le marché d'un médicament supposé actif, alors qu'il ne l'est pas, n'est
pas neutre pour les patients qui n'en tireront pas bénéfice, pour ceux qui subiront les
effets indésirables, pour les systèmes de remboursement de soins.
L'abandon d'un médicament actif (faux-négatif) du fait d'essais cliniques mal
conduits n'est pas neutre du point de vue de la perte de chance pour les malades qui ne
pourront en bénéficier.
Exemple : ainsi conclure que la vitamine C n'a pas d'effet thérapeutique en dehors de
son effet anti-scorbutique peut-il être fort dommageable si pour intervenir sur le stress
oxydant, théorie explicative très actuelle et très convaincante à l'origine des
dommages tissulaires dans de nombreuses pathologies, il fallait absolument se priver
d'envisager de l'étudier ou de l'utiliser (l'acide ascorbique tient un rôle central dans
l'économie redox en tant que donneur d'électrons et neutralisateur de radicaux libres).
Enfin, le pire des cas n'est pas la mise sur le marché d'un inactif comme proposé par
le Dr SCHOEMAKER, mais dans la mise à disposition d'un médicament aux effets
délétères majeurs pour un bénéfice thérapeutique somme toute mineur (DiEthylStilbestrol,
Thalidomide, etc.).
4.3 Le débat est-il théorique ou bien réel
En l'absence de l'indication de composition de la quasi-totalité des placebos dans les
essais cliniques, il est difficile de savoir si les possibilités de biais évoquées
pourraient correspondre à des cas réels autres qu'épisodiques. Cependant les exemples
ne manquent pas.
Ainsi, le Dr GOLOMB cite le cas d'un essai clinique ancien (1971) sur l'exploration des
hypocholestérolémiants dans les maladies cardiaques. (1) Le groupe placebo avait une
mortalité d'origine cardiaque moins élevée qu'attendue. Le placebo était de l'huile de
maïs. Or l'on sait depuis que les acides gras mono- et poly-insaturés de ce type d'huile
alimentaire diminuent les lipoprotéines de basse densité (LDL) avec un bénéfice
cardio-vasculaire.
Par ailleurs, dans une étude publiée par le Dr Meril L. KNUDTSON et al. dans JAMA (3)
et critiquée par les Drs David STRASSBERG (4) et Scott A. Bell (5), le contrôle d'un
traitement par EDTA de troubles cardiaques ischémiques était constitué de vitamine C en
I.V. + magnésium (
placebo
!). (6,7) Les 2 groupes étant améliorés identiquement du fait, selon l'auteur, de
l'entraînement concomitant sur tapis roulant, il est conclu que l'EDTA n'a pas d'effet
(cf. cas TTT' vs P+).
Tant qu'aucune précaution méthodologique n'est prise concernant le non-effet des
placebos sur les pathologies étudiées le risque de biais de confusion est pratiquement
certain.
4.4 Escalade de doses de la référence-excipient
En principe, le placebo s'il n'était qu'un pur effet psychologique ne devrait pas
suivre une relation dose-effet. Ce devrait être, pour une personne donnée, un effet de
type tout ou rien, éventuellement labile dans le temps (épuisement de la confiance ?).
Or de telles relations effet-dose ont été observées. Certain (8) en tire argument pour
démontrer le processus imaginaire de la guérison. Cela n'est pas.
Ce sont ces placebos-là qu'il conviendrait d'étudier en priorité pour extraire de
leur supposée inactivité, les preuves moléculaires de leur contribution aux processus
de guérison.
Si placebo signifie également tout traitement n'ayant
pas fait la preuve récente de son activité dans un essai thérapeutique contrôlé,
toute substance de découverte ancienne, avec des résultats historiques déclarés
désuets sans contrôle, pour laquelle il est contre-productif d'un point de vue
économique (pas d'exclusivité brevet) de refaire une évaluation rentre dans cette
définition.
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