3. Quel est le problème ?
Les placebos utilisés dans les études cliniques peuvent-ils influencer la
significativité de l'essai clinique ?
3.1. Lettre du Dr GOLOMB (Nature 15 juin 1995)
Paradox of placebo effect. (1) Le Dr Beatrice GOLOMB (Department of Medecine UCLA,
LOS ANGELES) observe que :
" si les effets non-spécifiques des placebos utilisés dans les effets cliniques
ont été largement étudiés, l'éventualité que les substances chimiques utilisées
puissent avoir des effets spécifiques n'a reçu virtuellement aucune attention. La FOOD
& DRUG ADMINISTRATION (FDA) américaine n'a imposé aucune réglementation sur les
constituants des placebos et d'éventuelles recommandations sont au mieux informelles.
Aucun effort systématique n'a été fait pour s'assurer du caractère réellement inerte
des placebos, en conséquence rien ne valide le placebo comme standard vis à vis des
autres constituants évalués (principe actif). De plus, les compagnies pharmaceutiques
finançant les essais cliniques contrôlent les ingrédients du placebo. Les
caractéristiques du placebo et des substances de remplissage utilisés dans les essais
sont rarement stipulées dans les études scientifiques publiées les rapportant.
En fait pratiquement aucun des constituants du placebo (qui rentrent généralement
dans la catégorie excipient) n'est réellement inerte et les placebos sont assez souvent
donnés sur des périodes prolongées. Même les substances non absorbées, comme la
méthylcellulose (qui réduit la cholestérolémie), peuvent avoir des effets
significatifs.
Les placebos utilisés dans des essais comparables (même pathologie évaluée) peuvent
différer. Une telle différence peut-elle expliquer au moins partiellement des résultats
divergents ?
[...]
Jusque récemment, la possibilité d'un petit effet des placebos s'accumulant sur de
longues périodes n'était pas réellement une préoccupation puisque la plupart des
essais cliniques recherchaient des effets drastiques sur de petites populations en un
temps relativement court. Les grands essais cliniques impliquant des milliers de sujets
étudiés sur des années à la recherche à la recherche d'effets relativement minimes
changent fondamentalement la donne. Un effet apparemment positif, négatif ou nul d'une
drogue sur l'évolution d'une pathologie pourrait être la conséquence d'un effet
négatif, positif ou dans le même sens du placebo. La discussion des résultats des
essais cliniques doit être tempérée par la possibilité d'un effet spécifique des
placebos. Ce facteur confondant potentiel peut être vital pour l'interprétation des
résultats de l'étude. Le fondement même de la Médecine Fondée sur les Preuves (EBM)
est miné par l'absence de preuves prouvant que les placebos sont bien inertes. Il est
paradoxal qu'aucun contrôle-standard n'existe pour étayer la preuve-standard. "
3.2. Réponse du Dr SCHOEMAKER (Nature 14 septembre 1995)
Benefits of placebos. (2)
Le Dr Joep SCHOEMAKER (Department of International Clinical Research, Laboratoires
ROCHE, MIDJDRECHT, Pays-Bas) répond que :
" d'un point de vue scientifique les remarques du Dr GOLOMB sont justifiées mais
n'apparaissent pas être une approche rentable d'un point de vue économique (cost-effective).
Les coûts des nouveaux médicaments ne sont pas automatiquement remboursés par les
systèmes de protection de santé et le prix de référence est souvent celui du plus bas
prix journalier. La nécessité d'études supplémentaires pour tester de possibles effets
spécifiques des placebos va augmenter les coûts de développement des médicaments et
donc le prix final du médicament rendu sur le marché.
Une alternative pourrait être de ne pas utiliser de placebos pour le contrôle des
études cliniques (et il peut y a voir de bonnes raisons) ou d'accepter de petits effets
des placebos quand ceux-ci ne peuvent être évités. Mais habituellement deux
études-pivot (ou plus) contrôlées par des placebos sont requises pour convaincre la
profession médicale et les autorités de la valeur thérapeutique d'une drogue pour une
catégorie identifiable de patients.
L'assertion du Dr GOLOMB qu'un effet apparemment positif, négatif ou nul d'un
médicament puisse être la conséquence d'un effet négatif, positif ou dans le même
sens d'un placebo est correcte. Cependant il n'est pas réaliste de penser qu'une
compagnie pharmaceutique puisse investir une énorme quantité d'argent dans le
développement d'un médicament qui ne serait pas viable, et si des faux-négatifs,
quoique fort improbables, surviennent ils doivent être tenus pour acquis. De la même
façon, le manque de différence significative entre un traitement actif et le placebo est
toujours une raison pour abandonner un projet et non pas pour investir plus d'argent juste
pour confirmer si le placebo est aussi (in)efficace que le médicament (in)actif. Dans le
pire des cas, un médicament est crédité d'effets qu'il n'a pas, si par aventure les
placebos ont produit des effets négatifs dans les études-pivots. Même si cela était,
cela ne serait pas gênant.
Un composé, avec aucun effet spécifique (un placebo), mais efficace dans le
traitement d'une maladie quand administré dans les bonnes conditions et dépourvu de
toute toxicité, pourrait être le meilleur médicament que l'on puisse imaginer. " |