5. Autres réflexions et propositions
5.1 Médecine Factuelle - Evidence Based-Medicine (EBM)
Il s'agit de persuader chaque médecin d'exercer son activité diagnostique et thérapeutique
selon les données actuelles de la Science. Il s'agit d'une approche méthodique fondée
sur une analyse critique de l'information médicale. La décision clinique n'est plus fondée
sur l'expérience personnelle ou sur l'avis d'expert mais sur les informations tirées des
études épidémiologiques et/ou des essais cliniques significatifs (pivots).
Ces derniers sont construits à partir de groupes de malades homogènes, répartis par
tirage au sort en 2 (ou plusieurs) groupes strictement comparables en nombre (le plus
souvent), âge, sexe, gravité des symptômes, en excluant certaines caractéristiques ou
antécédents trop particuliers. L'un des groupes reçoit le traitement à évaluer, un
autre le traitement de référence ou le placebo (si l'évolution naturelle de l'affection
le permet). Généralement 2 groupes sont constitués, mais rien dans l'absolu n'interdit
d'en constituer d'autres pourvus qu'ils soient comparables statistiquement. Les
traitements sont donnés à l'aveugle, c'est-à-dire sans que le malade ou le personnel
soignant connaisse l'identité du traitement. Le code de répartition n'est cassé qu'en
fin de protocole.
Or la définition du placebo sur laquelle s'appuie cette façon de soigner moderne est
fausse. Le placebo n'est pas inerte. En toute rigueur, la significativité des études
contrôlées contre
placebo
est de fait sujette à caution. Une telle éventualité n'est pas acceptable pour une méthode
qui se veut rigoureusement scientifique. Sinon ce serait accepter de construire la Médecine
Factuelle sur des fondations de sable puisque les Essais Contrôlés en Double Aveugle
Contre Placebo en sont un des fondements princeps.
Un aggiornamento est nécessaire.
5.2 Les théories scientifiques selon K. Popper
A la suite de Karl POPPER, chacun s'accorde à concevoir qu'une théorie n'est réputée
scientifique que s'il est possible de la réfuter expérimentalement. On doit pouvoir déduire
d'une théorie scientifique un certain nombre de résultats susceptibles d'être comparés
aux données expérimentales ; si l'expérience ne confirmait pas ses résultats, il
serait nécessaire de transformer la théorie, voire de l'abandonner.
Que devient alors le critère de démarcation entre science et non-science basé sur la
réfutabilité des théories ?
Selon cette version, pour qu'une théorie T soit rejetée, il faut que l'on propose une
autre théorie T' qui possède les caractères suivants : T' doit rendre compte des mêmes
phénomènes que T ; T' doit prédire des faits que ne prédisaient pas T ; enfin, l'expérimentation
doit corroborer une partie des nouveaux faits prédits par T'.
Prétendre que l'effet placebo est par principe même inaccessible à une compréhension
moléculaire et qu'il s'agit d'un effet psychologique (psychiatrique ?) pur irréductible,
et qu'il faut en rester là, serait se priver d'emblée de toute tentative scientifique d'élucidation.
Or nous avons vu qu'une partie au moins des effets observés après l'administration d'un
placebo peuvent relever de l'activité (bio-)chimique jusque là négligée de certains
excipients.
Comment expérimenter pour donner un substrat autre que théorique à cette manière
d'envisager une nouvelle rigueur ?
Mais avant d'éprouver cette manière de voir une condition de transparence nouvelle
est indispensable.
5.3 Publication des compositions des placebos
Par les dossiers d'agrément, les autorités ont connaissance des compositions des
excipients des molécules en test et des placebos utilisés. Mais ces données ne sont
jamais publiées, sauf exception.. (9) Ce qui est parfaitement dommageable, puisque le
regard pertinent de la communauté scientifique ne peut analyser les éventuels biais que
pourrait induire tel ou tel ingrédient.
Habituellement, le placebo a la composition excipient de la molécule-test mais
l'impossibilité pratique d'un point de vue galénique - par exemple quand la molécule à
tester est indispensable à la mise en forme et n'est pas remplaçable par un filler
(substance de remplissage) - n'est sans doute pas la seule cause des exceptions.
Seule la publication intégrale des compositions des placebos peut lever le doute sur
l'identité de composition des placebos avec la formule excipient des molécules à évaluer.
Elle permettra une vérification critique et expérimentale de leur supposée neutralité
par la communauté scientifique et médicale.
L'estimation du nombre d'études éventuellement biaisées dépend donc de la
publication des compositions des placebos et de l'évaluation de leurs éventuels effets
positifs ou négatifs sur les pathologies concernées. Mais comme le remarquent les
auteurs à à la fin de leur article " Drug-excipient interactions and their affect
on absorption " (10) cette publication ne dépendant actuellement que de la bonne
volonté des industriels, ceci pourrait bien ne jamais arriver : " A more complete
review of this scientific area will, however, only be possible when the proprietary
information is made avalaible by the pharmaceutical industry, and this might never happen.
"
5.4 Un placebo standard ?
La constitution d'un placebo standard est une autre proposition du Dr GOLOMB dans une
autre lettre à Nature. (11)
Pourquoi la composition du placebo ne pourrait-elle pas être fixe, et reconductible
d'un essai à un autre comme elle le suggère ?
En fait, chacun objectera et avec raison que nul (ni le patient, ni l'expérimentateur)
ne doit pouvoir distinguer le médicament avec principe actif du contrôle qui contient -
en principe - l'excipient seul et, qu'il y a fort peu de chance qu'un placebo standard
puisse revêtir toutes les apparences possibles sans un habillage minimum, habillage qui détruirait
à coup sûr le caractère reproductible d'une telle préparation.
Mais un standard qui servirait à étalonner la supposée inactivité des placebos spécifiques
à chaque essai clinique n'est pas irréaliste. Il suffirait de dire au patient qu'une
partie de l'essai sert à comparer 2 traitements spécifiques contre un contrôle (en fait
un placebo, un standard et une molécule à évaluer). Bien sûr, une partie ne l'essai ne
serait pas en double aveugle : le praticien identifiant le standard par sa présentation
immuable. Il n'est pas certain que cela soit un biais irréductible.
En toute rigueur expérimentale, au moins dans les premiers essais servant à étalonner
le standard et pour essayer d 'éliminer des biais dus à des effets inattendus, 3 groupes
supplémentaires (°) sont nécessaires :
* Standard (Std) |
o Rien |
* Placebo spécifique (Pl. sp.) |
o Pl. sp. + Std |
* Traitement (TTT) |
o TTT +Std |
Quel standard utiliser
Nous avons vu que la quasi-totalité des excipients qui servaient de référence pour
exprimer la supposée neutralité des placebos (lactose, chlorure de sodium, etc.) étaient
susceptibles d'avoir un effet notoire (négatif donc) dans certaines circonstances plus ou
moins difficiles voire impossibles à prévoir. Il existe un excipient presque universel :
la silice colloïdale. Des centaines de spécialités en contiennent. Pourrait-elle servir
de standard ?
La silice colloïdale pourrait convenir pour la voie orale. Ce n'est pas une molécule
organique (pas de carbone) et sa prise en charge métabolique ne devrait pas surcharger un
organisme déficitaire ou affaibli. Si la silice colloïdale se retrouve aussi comme
principe actif dans quelques médicaments (TOPAAL, GELOPECTOSE, KLEAN-PREP, etc.), elle
n'a apparemment jamais été signalée pour un effet réellement délétère par voie
orale. Elle possède donc cette vertu cardinale, l'innocuité. Bien qu'elle ne soit pas
tout à fait neutre, la silice colloïdale a certainement beaucoup des qualités de
l'excipient exemplaire.
Comme la silice colloïdale peut varier dans sa présentation et sa concentration il
serait important d'utiliser une forme contrôlée. Une préparation standard existe déjà
dans la pharmacopée, c'est le DISSOLVUROL (cf. VIDAL) où la silice est le principe actif
unique. Elle a comme indication : modificateur de terrain en particulier dans les
rhumatismes inflammatoires, ce qui laisse supposer une activité thérapeutique minimum,
probablement assez lente si elle existe (...), et qui serait très certainement peu gênante
dans la quasi-totalité des essais thérapeutiques. A tout prendre, il vaut sans doute
mieux une légère activité bénéfique et différée du placebo standard ce qui place la
barre un peu plus haut pour des molécules à évaluer et résout une partie du
problème éthique de l'expérimentateur
. Aucune contre-indication ou interaction médicamenteuse nocive n'existe pour cette
silice colloïdale préparée par électrolyse (pas de contre-ion cationique) et les rares
effets secondaires répertoriés à type de nausée ou de malaise épigastrique (cf. base
BIAM (12)) n'apparaissent pas fâcheux. Les quantités des excipients annoncés (HCl et éthanol)
ne sont pas
divulguées
, mais la posologie standard qui serait de l'ordre (la moitié ?) des posologies
habituelles (60 à 120 gouttes de 50 µl soit 3 à 6 ml) ne devrait pas poser de problèmes
insurmontables.
En l'attente de contre-propositions plausibles, ces qualités pourraient faire de cette
silice colloïdale un contrôle d'efficacité thérapeutique plausible le plus proche
possible du standard idéal.
dont la formule excipient n'est pas connue et dont
l'effet possible sur l'évolution des pathologies étudiées n'a pas été évaluée.
À savoir donner un traitement qui a une possibilité
(non nulle) d'amélioration au moins symptomatique de la maladie ; tout en étant cohérent
avec la signification latine de placebo : je plairai...
Mais si le Dissolvurol servait de standard, la
composition totale serait forcément connue.
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